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TEMPP
1 novembre 2017

1001 façons de la trucider : L'abattoir

"Respire, respire" me repète-je dans ma tête. Je halète. La gorge nouée, la bouche sèche, je n'arrive plus à reprendre mon souffle. Les mains en sang je tente d'arracher le haut de mon corsage. Une fenêtre, il me faut de l'air. Vite une fenêtre. Tel un animal en cage, je me mets à courir à droite, à gauche, soufflant comme un boeuf, trébuchant et glissant dans le sang qui jonche le sol. Un vasistas en hauteur, me voilà sauvée.  J'attrape une chaise, grimpe dessus à la hâte et ouvre en grand la fenêtre. Une odeur nauséabonde entre dans la pièce mais entre la puanteur de celle de l'intérieur je ne sais pas laquelle m'écoeure le plus. J'arrive enfin à respirer et me glisse sur la chaise en réussissant à m'y assoir. Ma respiration devient moins saccadée, plus ample. J'essaie d'avaler ma salive et de me calmer. Je me force à prendre de profond esinspirations et à souffler doucement par la bouche. Je me sens hébétée, vide. Ma mémoire ma fait défaut. Que s'est-il passé ?

Dans mon esprit malade, j'essaie de reconctituer le puzzle de cette histoire. Ce que je fais ici, comment j'y suis et arrivé et pourquoi ? Je me souviens de la haine et je ne ressens plus que du vide. C'est étrange. Méritait-elle de  mourir comme ça ? Méritait-elle seulement de mourir ? Je ne sais même plus.  Et moi que vais-je faire ? Je regarde mes pieds nus et je ne sais pas si c'est cette image ridicule, le sang poisseux ou cette odeur pestilentielle de mélange de sang refroidi et de viscère qui me ramène à cette réalité ... Je l'ai tuée. Je l'ai tuée, comme je l'avais imaginé. Je l'ai poignardée, massacrée,  éviscérée, dépecée. 

Je prends ma chaise et parcours les quelques mètres qui me sépare d'elle. Je n'ai pas de difficultés à la regarder. Je la voyais si souvent comme ça dans mes rêves les plus fous. Je l'ai fait. 

Elle est beaucoup moins bêcheuse en cadavre hein. Son mètre soixante dix, sa taille fine, on fait moins la maline. C'est ce que j'aurais dû me dire mais je n'y arrive même pas. Je l'ai tellement haï, je l'ai tellement vomi même que je n'ai plus rien envers elle. Ni dégoût, ni même indifférence. Rien.

Et maintenant qu'est-ce que je fais ? J'avais monté dans ma folie tout un plan pour ne pas me faire prendre mais la lucidité est revenue ... A quoi bon finalement ? A quoi bon ? A quoi bon faire disparaître le corps, à quoi bon laver, nettoyer et ranger même si minutieusement que prévu ? De nos jours, la police scientifique est si perfectionnée qu'elle retrouvera bien une trace ADN dans un cheveu perdu, elle détectera le sang humain dans un syphon. Où avais-je la tête ? La réalité des faits me rend extrèmement claivoyante, plus que je ne l'ai jamais été.

En réalité, je prends conscience qu'en la tuant, je me suis suicidé. Socialement parlant. J'ai mis fin à ma vie.

Je décide d'abandonner mes vêtements ici, avec elle, et de me laver comme prévu. Pas pour effacer mes traces, pas pour essayer d'oublier, pas pour me laver d'elle, mais juste parce que c'est pas pratique pour marcher, monter dans la voiture, je vais en foutre partout.

La douche des vestiaires est froide, je m'en fous, je fais au plus vite. Je remonte en voiture, je roule prudemment, aucun excès de vitesse, je roule même doucement. Plus ça va et plus je ralentis... Encore dix kilomètres, je suis toujours aussi vide, atterrée, je ne pense à rien. Autant ces derniers temps la folie me rendait active que là, la réalité me tient complètement prostrée. 

Clé dans la porte, 2 stilnox, 1 xanax, une couette .... J'ai décidé d'attendre. Autant attendre en dormant.

11H27, j'ai mal à la tête. J'ai dormi d'un sommeil lourd, profond, sans rêve. Vide. Cerveau vide, coeur vide. Plus aucune émotion ne me traverse. Je regarde autour de moi, c'est froid, impersonnel. Et pourtant je n'ai même pas envie de rentrer chez moi. Une télécommande, BFM TV. Ai-je envie de savoir ?

Les images défilent sur l'écran. Rien. Les sous-titres, rien. 

Est-elle encore en train de pourrir sur le carrelage blanc et démodé de cette abattoir? Certainement va. Et je m'en fous en fait. 

Stilnox, sommeil, basta.

Merde 4h56. L'effet du sédatif s'est dissipé au mauvais moment. Je décide de rentrer chez moi. La route est longue, je la fait machinalement. Je crois que si une grand-mère passe à un feu rouge je ne la verrais même pas. Je ne sais même pas s'il y' a eu des feux rouges, des stops, des grands-mères. Je suis déjà chez moi. Encore ce vide et ce silence. 

Je n'ai plus rien à quoi me raccrocher, je n'ai même plus cette colère qui me broyait les entrailles, je n'ai plus cette rage qui bandait chacun de mes muscles dès que je pensais à elle. Je n'ai plus rien.

Je ne l'ai plus non plus, et je ne l'aurais certainement plus jamais. Elle me l'a pris. Et ma folie a fini de l'éloigner. L'ai-je abandonné ? 

Pour la première fois depuis deux jours une nouvelle émotion monte en moi, la tristesse. Profonde et mélancolique. 

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